Com’ des bêtes ! #7 L’éléphant
Les animaux sont partout sur la planète et évoluent aussi bien dans l’eau, sur terre que dans le ciel. Domestiquées ou sauvages, ces petites bébêtes ou grosses bestioles occupent une sacrée place dans notre vie, y compris dans la publicité et la communication. Pour le 7ème acte de cette série consacrée aux animaux, direction l’Afrique et l’Asie avec le plus gros mammifère terrestre : l’éléphant.
Un éléphant…
Menacé, braconné, repoussé par la déforestation, classé dans les espèces terrestres en grand danger, protégé avec vigueur, mais aussi dressé avec cruauté pour le seul plaisir des hommes, l’éléphant est un mythe et un (gros) bouquet de symboles.
Il nous vient de si loin ce mammifère de l’ordre des Proboscidiens… Cousin du célèbre mammouth dont l’espèce s’est éteinte il y a environ 10 000 ans, l’éléphant est le dernier géant de notre bonne vieille Terre : avec un poids de 4 à 6 tonnes, une hauteur moyenne de 3 mètres au garrot et une peau épaisse de 2 centimètres. Ses immenses oreilles ? Elles lui permettent une vigilance de tous les instants. Ses petits yeux et son cerveau soi-disant tout riquiqui ? Un double sésame pour réussir le « test du miroir » de Gallup. Eh oui, peu d’espèces se reconnaissent dans un miroir et reviennent s’y mirer quand on leur ajoute un colifichet sur le corps ou la tête 🤠.
Ok, si on le cherche, il charge ; mais son organisation sociale est si élaborée qu’il ne laisse rien passer. Dirigées par des Dames éléphantes, ces troupes matriarcales restent toujours groupées, même si les mâles veillent, oreilles grandes ouvertes, défenses baissées et trompes en alerte (cette fameuse trompe animée par plus de 100 000 muscles💪💪💪). Et quand elle donne naissance, l’éléphante a porté son petit jusqu’à 22 mois. Personne ne couve mieux sa progéniture sur Terre !
Mais comment ce roc, présent uniquement sur deux continents et en toute liberté, l’Afrique et l’Asie est-il perçu par les humains ? Capables de le maltraiter, de le chasser, nous le vénérons aussi avec passion, de l’art en histoire, de symboles en pubs.
De l’Orient à… Malestroit, mais quelle histoire !
Alors oui, il y a bien eu Hannibal, le carthaginois, qui passa les Alpes à dos d’éléphant un peu moins de 200 ans avant notre ère : dans nos livres d’Histoire, il ne reste de sa campagne romaine que quelques dessins de robustes éléphants militaires. Un siècle auparavant, le grec Aristote décrétait que ces géants incarnaient la longévité mais il y a peu de traces marquantes des éléphants sur notre vieux continent, à part quelques rares dans des textes anciens.
C’est au Sud et à l’Est de nos terres que les plus anciennes légendes et croyances sont nées. En Afrique, l’animisme est roi. Comme l’éléphant. Et c’est à cet animal que les Mbutis, l’un des plus anciens peuples d’Afrique centrale, confient l’âme de leurs défunts pour l’éternité. Un peu plus à l’Est, en 570, l’Islam célèbre la naissance du prophète Mahomet et retient avec précision que ce fut aussi l’année de l’éléphant. C’est également à dos d’éléphant que Gaspard, l’un des trois Rois Mages, est venu d’Asie jusqu’en Galilée honorer la naissance de l’enfant Jésus.
C’est en Asie que l’on prie ce mammifère depuis des millénaires. En Inde, mais aussi en Thaïlande ou encore au Cambodge, Airavata est un éléphant blanc à plusieurs têtes (de 3 à 33 !). Il représente à la fois la foudre et l’arc en ciel, le calme et la tempête. Et puis, il y a Ganesh, l’un des solides piliers de l’hindouisme. Il est celui qui supprime les obstacles, il est l’incarnation de la sagesse et de l’intelligence. Autour de son cou, ce dieu a tête d’éléphant porte un chapelet orné de cinquante éléments, comme autant de lettres que compte l’alphabet sanskrit… Tout un symbole. Il protège tout le monde et accompagne avec bienveillance les écrivains et les artisans.
Car n’oublions pas que Bouddha est la représentation d’un éléphant blanc réincarné en homme. Au Japon, la religion Shingon, inspirée du bouddhisme, vénère depuis des siècles Shôten-Sama, le dieu éléphant, dieu de la joie. Hindouisme, bouddhisme, Airavata, Ganesh, Shôten-Sama… Qu’importe le nom, on retrouve des milliers de représentations de ces dieux en Asie, sur les frontons et façades des temples.
Une trompe « tout ter’art »
S’en est presque embarrassant tant il y a le choix. L’éléphant, c’est l’une des plus grandes, « grosses », stars animales de l’art. De vers, en contes et en romans, on l’adule. Par où commencer ?
Outre le fameux Livre de la jungle, Rudyard Kipling a écrit un fabuleux conte initiatique, L’enfant éléphant. Où, comment et pourquoi, il y a fort longtemps, un enfant éléphant, alors doté comme tous ses congénères d’un ridicule petit nez, hérita au terme d’un drôle de voyage à hauts risques d’une longue trompe agile et utile. « Une, deux, une, deux, halte !! » Voilà la parade des éléphants du Livre de la jungle, signée Disney et inspirée de Kipling 🐘🐘🐘🐘🐘. Vous souvenez-vous de ce drôle de bataillon d’éléphants emmené par le vieux mâle Colonel, aussi pénible que drôle ? De Mowgli exécutant les ordres à hauteur d’éléphanteau ? De cette galerie de pachydermes aussi désinvoltes que déjantés ? Dans la série des éléphants Disney, on compte aussi Dumbo l’éléphant volant, cet adorable petit héros affublé d’oreilles démesurées. Risée de ses congénères de cirque, privé de sa mère emprisonnée, condamné à faire le clown parmi les hommes. C’est une sage souris, Thimothy, qui lui montre le chemin de la sagesse ainsi qu’une certaine idée de la liberté.
Avenue du 9e art ; place à la bédé ! À tout seigneur, tout honneur : Babar. Le premier roi des éléphants de la bande dessinée francophone est né grâce à l’âme d’enfant de Cécile de Brunhoof. Ce débonnaire pachyderme a surgi de ses souvenirs d’Afrique et est devenu l’incarnation de cet éléphanteau recueilli par ses parents au Congo. En 1931, son mari, Jean de Brunhoff, sort sa plume d’illustrateur, une palette de couleurs réduite 🎨 et publie cette même année la première aventure de Babar.
Un succès phénoménal auquel Hergé rendra un hommage subtil en 1933. Dans Les cigares du pharaon, Tintin est enrôlé dans un régiment égyptien. L’arabisation du nom du reporter réquisitionné militaire est un pur délice : Bah-Bahr.. Quel clin d’œil 😊 ! D’ailleurs, si vous détenez un tel exemplaire, conservez-le pieusement : lors du travail de modernisation de l’album, une erreur s’est glissée dans la bulle initiale et Bah-Bahr est devenu Beh-Behr.
Approchons maintenant un autre célèbre pachyderme qui en montre de toutes les couleurs : Elmer, le célébrissime éléphant kaléidoscope de David McKee. Ses histoires, comme celles de Babar, n’ont jamais pris une ride. Parce que l’éléphant, c’est depuis longtemps du solide, du mignon, du beau, du sage et pour toutes ces raisons, il n’est pas prêt de quitter la scène des arts !
Roi de la savane et de la pub
Sagesse, mémoire, tendresse, élégance, protecteur, fédérateur… N’en jetez plus, la coupe de sens et de symboles est pleine. En occident, l’art de la communication honore ce pacha africain et asiatique depuis plus d’un siècle.
Des dentifrices Gibbs, aux aspirateurs Lux, au XXe siècle, l’image de cet animal incarnait souvent la robustesse, la longévité, la force tranquille, mais aussi la blancheur de l’émail (reflet de son ivoire) et la docilité… Deux « vertus » que les créatifs du XXIe siècle ont abandonné pour des raisons évidentes.
Malgré tout, l’éléphant n’a jamais quitté les feux de la rampe de la « réclame ». L’animal majestueux incarne de si belles valeurs que les marques et les créatifs le chérissent avec prudence. Sa touche exotique s’est faite plus discrète au fil du temps, mais c’est bien par le prisme des symboles que l’éléphant est devenu un compagnon de nos proches contrées publicitaires.
Allez, pêle-mêle, d’un balancement de trompe, on ne vous présente plus les éléphants « bleus », blancs sur fonds rouges ou pompiers anti tâches ! Du lavage puissant et silencieux de nos véhicules, aux légères infusions de douces nuits à base de plantes et de fruits, jusqu’à la force sauvage du chocolat et la précision d’une seule feuille de papier absorbant, le tour des grands classiques est joué !
Et n’oublions pas la célèbre marque Evernote, entre autres reine au royaume du bloc-notes et carnets. Elle est représentée par la tête verte d’un solide pachyderme. Forcément, noter, écrire, c’est la certitude de ne pas oublier. Mémoire d’éléphant, quand tu nous tiens 🧠…
Pour refermer ce chapitre animalier, on vous invite à visionner cette publicité très drôle, espiègle même, que vous ne risquez pas… d’oublier ! Elle prouve que les créatifs, même avec une star « encombrante » 😊, savent cultiver un humour aussi fin que léger (à découvrir ici).
Entre sagesse, mémoire, protection et élégance, l’éléphant est un symbole fort. Attention si toutefois vous imaginez un éléphant comme mascotte de votre entreprise, gardez dans un coin de votre tête que c’est un animal braconné et menacé ! Et pour une identité éléphantesque, demandez conseil 😉